
Faire une pause dans sa vie sexuelle : un phénomène en expansion
De plus en plus de personnes choisissent de faire une pause dans leurs relations sexuelles. Ce phénomène, souvent appelé célibat volontaire, attire l’attention dans les médias, notamment à travers les témoignages d’écrivaines, de célébrités et d’influenceuses – majoritairement des femmes.
Dans ses mémoires intitulées The Dry Season, l’auteure Melissa Febos raconte la liberté et le plaisir qu’elle a ressentis pendant une année d’abstinence. Ce récit s’inscrit dans une tendance plus large, observée sur les réseaux sociaux comme TikTok, où le célibat est de plus en plus valorisé.
Mais ce choix reste-t-il réservé aux élites culturelles ou touche-t-il aussi la population générale ? Qui pratique réellement le célibat volontaire, et comment vivent-ils cette décision ?
Célibat volontaire : un phénomène surtout féminin
L’an dernier, l’Institut Kinsey a mené une enquête nationale représentative auprès de 1 500 adultes américains. Il en ressort que :
- 16,5 % des femmes se déclaraient célibataires par choix et sexuellement inactives au moment de l’enquête,
- contre seulement 9 % des hommes.
Ces chiffres montrent que le célibat volontaire est relativement répandu, bien que les données soient partielles (les participants n’étaient pas interrogés directement sur leur statut relationnel, ce qui limite les conclusions possibles).
Une étude plus poussée en 2025
En 2025, une nouvelle enquête plus approfondie, intitulée The State of Us: National Study on Modern Love & Dating, a été menée par l’Institut Kinsey en collaboration avec DatingAdvice.com. Elle portait sur un échantillon représentatif de 2 000 adultes célibataires âgés de 18 à 91 ans.
À la question portant sur leur vie sexuelle actuelle, 18,8 % des participants ont répondu qu’ils faisaient une pause sexuelle et se considéraient comme célibataires volontaires.
En détail :
- 21,8 % des femmes célibataires disaient faire une pause,
- contre 15,1 % des hommes.
Cela confirme qu’un nombre significatif de célibataires, et en particulier de femmes, choisissent volontairement de s’abstenir sexuellement.
Célibat involontaire : une autre réalité
Le célibat n’est pas toujours un choix. Certaines personnes souhaiteraient avoir des relations sexuelles mais, pour différentes raisons (isolement, manque d’opportunités, anxiété sociale…), ne trouvent pas de partenaire.
Dans l’enquête de 2025, les chercheurs ont constaté que :
- 27,4 % des hommes célibataires se considéraient comme célibataires involontaires,
- contre 14,4 % des femmes.
En combinant célibat volontaire et involontaire, on observe que près de la moitié des hommes célibataires et environ un tiers des femmes célibataires ne sont pas actuellement engagés dans des relations sexuelles.
Les femmes sont donc plus nombreuses à choisir cette situation, tandis que les hommes la subissent plus souvent.
Un choix rarement pleinement satisfaisant
Malgré les raisons invoquées pour adopter le célibat – liberté, clarté émotionnelle, recentrage sur soi – les recherches indiquent que, en moyenne, hommes et femmes trouvent cette situation plus insatisfaisante que satisfaisante.
Cela ne veut pas dire que le célibat est toujours vécu négativement, mais plutôt que, pour beaucoup, il ne répond pas entièrement à leurs besoins émotionnels ou relationnels.
L’âge comme facteur du célibat
Le sexe n’est pas le seul facteur démographique lié au célibat : l’âge joue également un rôle important.
Chez les femmes, le célibat volontaire est le plus fréquent chez celles de la génération X (27,9 %) et le moins fréquent chez les femmes de la génération Z (17,9 %).
Chez les hommes, la prévalence du célibat volontaire est relativement stable d’une génération à l’autre, allant de 13,7 % chez les Millennials à 17 % chez les baby-boomers.
Célibat involontaire : des écarts plus marqués
Les taux de célibat involontaire varient également selon les générations.
Chez les femmes, la génération Z ( la jeune génération) affiche le taux le plus élevé (19,3 %), tandis que les baby-boomers ( seniors )présentent le taux le plus bas (10,9 %).
Chez les hommes, c’est la génération X qui enregistre le taux le plus élevé de célibat involontaire (34,7 %), contre 22,1 % pour la génération Z, qui est la moins concernée.
Ces résultats permettent de mieux comprendre les dynamiques générationnelles du célibat. On constate que les taux de célibat volontaire des femmes correspondent souvent aux taux de célibat involontaire des hommes de la même cohorte.
Par exemple :
- La génération X, où les femmes sont les plus nombreuses à choisir le célibat, correspond à la génération d’hommes les plus nombreux à désirer une vie sexuelle active mais à ne pas trouver de partenaire.
- À l’inverse, les femmes de la génération Z sont les moins enclines au célibat volontaire, ce qui correspond au taux le plus bas de célibat involontaire chez les hommes de la même génération.
Célibat et satisfaction : un bilan nuancé
Dans l’enquête, les participants ont également été interrogés sur leur satisfaction sexuelle sur une échelle de 1 (très insatisfait) à 5 (très satisfait).
Les réponses étaient très variées, mais, en moyenne, les hommes comme les femmes se disaient plutôt insatisfaits de leur situation.
Célibat volontaire
Chez les personnes ayant choisi l’abstinence :
- Le score moyen de satisfaction est de 2,8 pour les femmes,
- et de 2,6 pour les hommes.
Ces scores, situés en dessous du point médian de l’échelle, suggèrent que la plupart ne sont pas pleinement satisfaits de leur choix.
Cependant, 13,1 % des femmes célibataires se disent « très satisfaites » de leur vie sexuelle, contre 9,2 % des hommes.
À l’inverse, 25,7 % des hommes se disent « très insatisfaits », contre 20,1 % des femmes. Cela indique que, globalement, les femmes sont légèrement plus satisfaites de leur choix de célibat que les hommes.
Célibat involontaire
Chez les personnes se déclarant célibataires malgré elles :
- Le score moyen de satisfaction est de 2,2 pour les femmes,
- et de seulement 1,9 pour les hommes.
Il n’est donc pas surprenant que le célibat involontaire soit perçu de manière plus négative. Les personnes semblent globalement plus satisfaites lorsqu’elles ont choisi de renoncer aux relations sexuelles que lorsqu’elles y sont contraintes.
Une réalité plus complexe que le discours dominant
Ces données nuancent le discours souvent optimiste autour du célibat volontaire, tel qu’on le retrouve dans des ouvrages comme La Période de sécheresse de Melissa Febos.
Bien que certaines personnes trouvent dans le célibat une forme de liberté ou de recentrage, la majorité des participants à l’enquête ne semble pas pleinement satisfaite de cette expérience.
Cela ne signifie pas que le célibat soit dénué d’intérêt ou de bienfaits, mais ses avantages semblent souvent contrebalancés par des inconvénients affectifs ou relationnels. Pour beaucoup, le célibat est donc une expérience ambivalente.
En conclusion
Le célibat volontaire est aujourd’hui relativement courant chez les adultes : environ une femme sur cinq et un homme sur sept déclarent avoir choisi de faire une pause dans leur vie sexuelle.
Mais si les raisons de ce choix sont diverses, et les expériences personnelles très variées, la plupart des personnes interrogées ne vivent pas ce renoncement comme pleinement satisfaisant.
Sources : www.psychologytoday.com/
Références
Cuthbert, K. (2023, novembre). Ni « incel » ni « volcel » : récits relationnels de l’abstinence sexuelle des femmes britanniques. Dans Women’s Studies International Forum (vol. 101, p. 102835). Pergamon.
Terry, G. (2012). « Je mets un couvercle sur ce désir » : célibat, choix et contrôle. Sexualités , 15 (7), 871-889.