Le mystère autour de la mort
Il existe beaucoup de mystère et de mysticisme autour de la mort. Ce n’est pas vraiment surprenant, car elle constitue un aspect fondamental de l’existence humaine. C’est une réalité à laquelle nous passons des années, parfois des décennies, à nous préparer — consciemment ou non. C’est aussi une expérience qui, paradoxalement, nous façonne tout au long de la vie.
Nous l’envisageons souvent avec un mélange d’émerveillement et de peur, surtout lorsque les mécanismes qui l’entourent restent flous ou incompris.
Ce que la science nous apprend
Ce que nous savons aujourd’hui, c’est qu’une grande partie des processus biologiques liés à la mort sont désormais bien documentés. Des études médicales ont permis de mieux comprendre ce qui se passe dans le corps avant, pendant et après le moment du décès. Cela inclut la manière dont nos organes réagissent, mais aussi la façon dont nos sens s’estompent progressivement.
Une fin progressive, non instantanée
Il est fréquent de penser que la mort survient de manière soudaine — comme un interrupteur que l’on éteint. Un claquement de doigts, et tout s’arrête : le cerveau, le cœur, le souffle. Pourtant, cette vision est trompeuse. La réalité est bien différente. La mort est un processus qui se déroule par étapes. Le corps humain, même en train de mourir, suit un cheminement physiologique complexe avant de s’éteindre totalement.
Le rôle des sens en fin de vie
Un aspect particulièrement intéressant de ce processus concerne nos cinq sens. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ils ne disparaissent pas tous en même temps. Chacun décline à son propre rythme, et il existe un ordre dans lequel ils s’éteignent. Certains se perdent rapidement, tandis qu’un seul persiste jusqu’aux toutes dernières heures.
L’ordre de disparition des sens
James Hallenbeck, spécialiste des soins palliatifs à l’Université de Stanford, a décrit dans son ouvrage Palliative Care Perspectives l’ordre dans lequel les patients en fin de vie perdent leurs capacités sensorielles. Selon ses observations cliniques, la faim et la soif disparaissent les premières, suivies par la parole, puis la vue.
Le toucher résiste encore quelque temps, mais finit par s’estomper lui aussi. L’audition, en revanche, semble persister jusqu’au bout. Même lorsque la personne semble inconsciente, son cerveau réagit parfois encore aux sons et aux voix.
À ce stade, le cerveau traite désormais les informations sensorielles différemment de la façon dont il l’a toujours fait.
Faim et soif
Tout d’abord, il y a la faim et la soif — des sensations que, selon James Hallenbeck, la plupart des mourants perdent en premier. Ce phénomène est particulièrement courant chez les patients âgés ou gravement malades, qui refusent souvent de manger et affirment ne pas ressentir la faim.
Selon Hallenbeck, cela s’explique par le fait qu’un corps en fin de vie n’a plus les mêmes besoins en nutriments et en énergie qu’un organisme en bonne santé. Il ne cherche plus à fonctionner durablement, car il entre dans une phase de ralentissement progressif.
Par ailleurs, le système digestif devient moins actif et plus fragile, rendant l’ingestion de nourriture ou de liquide plus difficile. Il devient alors naturel que le lien avec la faim et la soif se rompe.
La parole
Vient ensuite la parole. Hallenbeck observe que la capacité à parler se dégrade peu à peu : le discours ralentit, devient confus, parfois incohérent, à mesure que l’activité cérébrale diminue.
Parler demande une dépense énergétique importante, tant sur le plan physique que cognitif. Or, cette énergie se fait de plus en plus rare. Les patients cessent alors progressivement de communiquer, surtout lorsqu’ils passent davantage de temps à dormir ou à se trouver dans un état d’inconscience.
Cette perte de la parole s’accompagne souvent de modifications dans la respiration, qui devient plus lente, plus superficielle, suivant le même déclin énergétique.
La vision
La vue est le sens suivant à décliner. Quelle que soit votre acuité visuelle durant votre vie, elle finira par s’estomper. La perception devient floue, assombrie, et limitée à ce qui est immédiatement proche. Il devient difficile de distinguer les visages ou les objets familiers.
Avec la diminution du tonus musculaire, les paupières tendent à rester fermées ou mi-closes, car les muscles ne parviennent plus à les maintenir ouvertes. La perte de la vision peut entraîner une forme de désorientation, des hallucinations, et un regard fixe ou vitreux.
Le toucher
Le toucher est souvent l’un des derniers sens à s’éteindre avant le décès. Les personnes en fin de vie peuvent encore percevoir le contact de leurs proches, même lorsqu’elles sombrent dans le coma, bien que cette perception ne soit plus complète. À ce stade, elles ont généralement perdu la capacité de ressentir la douleur, leur corps semblant accepter progressivement le moment du départ.
Parce que le toucher est un sens difficile à brouiller par le cerveau, James Hallenbeck suggère que la dernière sensation vécue par les mourants est souvent une étreinte, un contact ou une caresse donnée par un proche durant ces derniers instants.
L’audition
L’ouïe est techniquement le dernier sens à disparaître chez une personne en fin de vie. Avant la mort complète, le patient entre dans un état comateux où il ne peut plus interagir ni réagir consciemment à son environnement. Cependant, le cerveau continue de traiter les informations d’une manière très différente de la normale.
Grâce à une étude révolutionnaire publiée dans Scientific Reports en juin 2020, il a été prouvé que l’ouïe est le dernier sens à disparaître – et pour certaines personnes, elle les accompagne jusqu’aux tout derniers instants.
En comparant ces données à celles de sujets en bonne santé, les chercheurs ont constaté une forte similitude, notamment dans la réaction aux stimuli sonores. Cela suggère que, même en fin de vie, les patients continuent d’entendre.
À la fin de la vie
Réfléchir à la mort n’est jamais une tâche facile. Pourtant, mieux comprendre ce qui se passe au cours de ce processus peut aider à dissiper une partie du mystère et à réduire l’anxiété qui l’entoure.
Démystifier les réalités de la mort nous aide à ne pas vivre dans une peur absolue. La mort restera toujours une expérience effrayante, mais même ce qui fait peur devient plus supportable lorsqu’on en connaît les mécanismes plutôt que de l’ignorer.
Ordre des sens qui s’éteignent (sources cliniques & reporting)
1. Hunger (faim) et soif
Perdus en premier : le corps n’a plus besoin de nourriture ou d’hydratationiflscience.
2. La parole
La capacité à parler diminue rapidement, puis disparaît .
3. La vision
La vision se détériore, souvent accompagnée de flou, hallucinations ou d’un regard vitreux .
4. Le toucher
Le toucher persiste un moment, mais s’affaiblit peu avant la mort — bien que la douleur soit généralement soulagée grâce aux soins palliatifs
5. L’audition
L’audition est presque toujours le dernier sens à disparaître — des études EEG confirment que le cerveau continue de réagir aux sons même en état d’inconscience profonde, jusqu’aux dernières heures