Jean-Charles Réno
« Le Petit Prince » n’est assurément pas un ouvrage destiné exclusivement aux enfants. Corrigeons cela : « Le Petit Prince » ne s’adresse pas uniquement aux enfants, mais plutôt à l’enfant qui perdure en nous, les adultes. Cela transparaît dans la dédicace d’Antoine de Saint-Exupéry, qui l’a consacrée à l’enfant qui fut autrefois son meilleur ami, Léon Werth, devenu adulte.
Il requiert, en réalité, la réflexion d’un esprit adulte pour saisir ne serait-ce qu’une partie du génie d’Antoine de Saint-Exupéry.
Cependant, cela demande également une dose significative de joie, d’innocence et de pureté enfantine pour pénétrer son monde magique authentique et splendide. Excusez-moi donc, car je viens de libérer l’enfant en moi, et je poursuivrai ainsi jusqu’à la fin de ce texte. J’espère que vous ferez de même.
Observons comment les adultes interprètent souvent mal les choses, cher Exupéry. Ils assimilent le dessin d’un boa constrictor qui avale un éléphant à un simple chapeau. Eh bien, mon ami, expliquer continuellement aux adultes peut être ennuyeux. Je partage ton avis. Ils ne saisissent pas la distinction évidente entre un chapeau et un éléphant à l’intérieur d’un boa constrictor.
Vous souhaitez découvrir quelque chose que les adultes ne parviennent pas à appréhender ?
Considérez cette phrase célèbre et populaire tirée de ce magnifique livre : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » Les adultes limitent souvent la portée de cette affirmation profonde en la liant à une simple conquête amoureuse. Pour moi, c’est bien plus que cela : ce qui m’a captivé me supporte maintenant pour l’éternité.
Il est amusant de constater comment les gens prennent cela au sérieux sans réellement interpréter la profondeur et l’authenticité sous-jacentes. Une fois de plus, nous nous trouvons dans la position délicate d’expliquer ces concepts aux adultes.
Cependant, mon cher ami, cela s’avère une tâche ardue, car je crains de ne jamais pouvoir exprimer pleinement la richesse que renferme cette prière en apparence simple. C’est le genre de chose que l’on ressent, que l’on perçoit, mais toute tentative d’explication semble réductrice. Après tout, il est difficile de disséquer le génie des éléments qui touchent notre cœur. En tout cas, tentons :
Être éternellement responsable de ce que nous captivons signifie que chacun de nos actes, pensées et actions a des conséquences durables. Cela implique que tout ce que nous offrons à l’univers, aux autres, au monde, nous revient d’une manière ou d’une autre. Nous sommes en constante interaction, et selon ce que nous donnons, nous recevons des conséquences favorables ou défavorables, y compris dans le domaine de l’amour.
En d’autres termes, nous sommes les seuls maîtres de notre destin.
Par conséquent, notre pouvoir sur ce qui nous arrive est réel, car le choix de ce que nous captivons ou négligeons de captiver demeure toujours personnel et non transférable. Nous avons le pouvoir de changer notre réalité à tout moment, car cela dépend de nous. L’éternité est notre alliée pour attirer ce qui nous rendra heureux à travers l’objet, le sentiment, la vibration ou l’aspiration que nous choisissons de captiver.
Par exemple, si je cultive une gratitude sincère en moi, l’univers me renvoie cette même gratitude, amplifiant ce pour quoi je suis reconnaissant. À l’inverse, si je laisse place à des sentiments négatifs comme la haine, l’univers veille à ce que cette haine me revienne d’une manière ou d’une autre.
En captivant un amour vrai et profond, je le retrouverai dans mon cœur, favorisant l’épanouissement de ce qu’il y a de plus beau sur ma petite planète interpersonnelle, dans mon environnement naturel.
Imaginez que quelqu’un abandonne une rose qu’il aime ; il devra assumer les conséquences de cet acte.
Bien qu’il puisse se sentir libre, cette liberté ne sera jamais pleinement satisfaisante. La rose manquera toujours, car même si d’autres roses tout aussi belles existent, aucune ne sera celle qu’il a aimée et pris soin. Le sentiment de responsabilité, inhérent à l’amour et au soin, entraîne des conséquences pour ceux qui chérissent, qui aiment, qui tissent des liens. Ces conséquences sont liées à l’idée de faire du bien à la personne aimée, de ne pas causer de tort à celle envers laquelle nous ressentons le devoir volontaire de prendre soin.
Ah, mon ami, les adultes répugnent souvent à cette idée d’énergie, de vibration, d’univers et d’amour sincère, ainsi qu’aux métaphores impliquant des roses. Ils la qualifient de « voyage », un concept que beaucoup considèrent comme délirant, relevant de ceux qui n’ont rien d’autre à faire.
Rappelez-vous, ils partagent des similitudes avec l’homme d’affaires, constamment absorbé par le besoin de compter les étoiles, délaissant les frivolités. Pour les adultes, la préoccupation du « posséder » l’emporte sur celle du « être ». Les notions d' »acquérir », de « consommer » et d' »acheter » revêtent une importance bien supérieure à celle de « prendre soin », « aimer », « ressentir » et « se connecter ».
Dans d’autres cas, ils ressemblent à l’homme vaniteux, attiré par les projecteurs qui rehaussent son image.
La « considération », l' »estime », les « titres » qu’ils détiennent devant leurs pairs sont infiniment plus séduisants. Les aspects simples de la vie, tels que la connaissance de soi et les sentiments, ne suscitent aucun intérêt chez eux. Ce qui prime, c’est l’admiration qu’ils peuvent susciter chez autrui. Ils sont incapables d’écouter toute réflexion susceptible de diminuer leur statut social. C’est pourquoi ces questions ne les motivent guère.
C’est pourquoi j’apprécie converser avec les enfants, cher Exupéry. Ils n’ont pas encore oublié qui ils sont réellement. Leur compréhension des choses est bien plus profonde…
Mais il est temps pour moi de partir, car la nuit est avancée. Nous aurons l’occasion d’en discuter davantage dans une prochaine correspondance, mon ami. Au revoir.
