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Les effets secondaires courants de l’arrêt de la consommation d’alcool

Rejeter l’alcool, c’est rejeter quelque chose de très humain

En refusant l’alcool, on rejette une sorte de prolongement que l’humanité a collectivement développé pour affronter la réalité et interagir les uns avec les autres. Vivre sans, ce n’est pas indolore. Vous connaissez ces personnes agaçantes qui déclinent le dessert, non pas parce qu’elles sont au régime, mais simplement parce que le sucré ne leur fait rien ? Vous leur répondez « ah, tant mieux pour toi », alors qu’en réalité vous pensez « et merde ». Eh bien, je suis cette personne, mais avec l’alcool.

Je suis là pour dire que c’est à la fois aussi bénéfique pour moi que difficile à vivre. Donc, si votre « Dry January » se passe bien et que vous envisagez de le prolonger, lisez la suite.

Le déclic

Il y a un peu plus d’un an, on m’a recommandé un podcast d’Andrew Huberman sur les effets de l’alcool sur le cerveau et le corps. C’était instructif, factuel… et désespérément sombre.

Comme je venais d’atteindre la trentaine, autrement dit l’âge où l’on a moins de scrupules à dire non, je me suis demandé pourquoi je buvais et ce qui se passerait si j’arrêtais. Alors j’ai arrêté.

Et vous connaissez la suite : je me suis senti mieux, j’ai économisé de l’argent, et j’ai souvent repensé à cette phrase que l’on entend partout : « j’ai souvent regretté d’avoir bu, je n’ai jamais regretté de ne pas avoir bu ». Tout cela est vrai.

Mais il faut dire qu’avant ça, depuis mon premier verre de vin offert par mes parents à douze ans, j’ai bu régulièrement pendant dix-huit ans. Pourquoi ? Parce que c’est ce que tout le monde fait.

Les effets secondaires de la sobriété

Images IA Copilot et Pixabay

Les réactions des autres

Quand on arrête de boire, les gens ne savent pas quoi faire de vous.

On vous demandera pourquoi vous ne buvez pas. Ils réagissent bien si vous répondez honnêtement. Ils réagissent beaucoup moins bien si vous retournez la question. Petite astuce : c’est parfait si vous voulez être tranquille le reste de la soirée.

On vous demandera même la permission de boire devant vous. « Ah tu ne bois pas ? Bravo ! Mais tu ne m’en voudras pas si je prends une bière ? » Pourquoi le ferais-je ? J’ai expliqué que ce n’était pas à cause d’une addiction ou d’un drame familial. Pourtant, la question revient.

Le jugement supposé

Beaucoup penseront que vous les jugez. Si vous ne buvez pas, ce ne peut être que par sentiment de supériorité, non ? Dire « je choisis de ne pas boire » peut être perçu comme « je suis mature et responsable »… ce qui implique, dans leur tête, qu’eux ne le sont pas.

Le problème, c’est que si tout le monde ne fait pas pareil, les habitudes apparaissent soudain comme des choix. Et face à vos choix, les autres se sentent forcés de réfléchir aux leurs. Ce n’est pas agréable, alors ils projettent sur vous un jugement qui n’existe pas.

La mise à l’écart

On arrête aussi parfois de vous inviter. Eux pensent que vous allez vous ennuyer dans un groupe qui boit, donc qu’ils vous protègent. Vous, vous pensez plutôt qu’ils veulent se protéger de votre prétendue austérité.

On vous trouvera aussi « moins fun ». Et ces deux points combinés forment un cercle vicieux : vous devenez peu à peu « la personne sobre » que l’on invite moins.

En devenant sobre, vous pouvez perdre des amis. Désolé, j’aurais peut-être dû commencer par là.

Les amis

Vos amis se sépareront en deux groupes. Ceux qui trouveront des moyens de passer du temps avec vous sans alcool, et ceux qui continueront à vous mettre la pression.

Et dans ce deuxième groupe, il y aura encore deux catégories : ceux qui disparaîtront et ceux qui commenceront à boire moins, parce que votre choix les pousse à réfléchir sur leur propre consommation.

Que vous le vouliez ou non, vous aurez un impact sur vos amis. Votre décision ne passe pas inaperçue, elle crée des ondes dans le groupe, justement parce qu’il s’agit d’un choix, et non de la norme. Un choix qui remet en cause une manière fondamentale de créer du lien.

Chaque ami avec qui vous buviez doit désormais inventer une nouvelle façon de vous fréquenter. Certains apprécieront, d’autres pas.

Ma transition a été simple, parce qu’elle a coïncidé avec un déménagement. Dans ma nouvelle ville, j’ai rencontré des personnes à qui mon abstinence ne posait pas de problème. Résultat : j’ai deux amis.

Quand je vivais à Londres, je sortais avec un grand groupe. Aujourd’hui, quand j’y retourne, je vois deux ou trois personnes, parfois une poignée de plus. J’ai compris que tous les autres étaient des amis de soirée. Pour dire les choses crûment : sans alcool, je ne les supporte pas.

Désolé, j’aurais peut-être dû le préciser. Quand vous perdez des amis, c’est parce que vous réalisez qu’en réalité, vous n’avez pas grand-chose en commun avec eux sans l’alcool.
Avec le nouveau vous.

Vous-même

Bien sûr que vous allez changer : vous venez de retirer de votre vie une substance qui influençait, parfois dictait, votre comportement. Maintenant, vous devez réapprendre à gérer vos soirées seul, sans béquille chimique.

Vous devrez aussi faire face à votre personnalité sobre, en permanence. Vous adorerez la perte de poids, l’énergie retrouvée, le sommeil profond… mais cela, vous risquez de moins l’aimer :
vous pourriez découvrir que vous êtes moins drôle que vous le croyiez.

Les nouveaux réflexes

Vous boirez des litres d’eau pétillante. C’est le plan de secours universel dans un bar, un resto ou une soirée. À moins de vouloir troquer l’alcool contre le diabète en choisissant Sprite ou Fanta.
Le Coca Zero devient vite votre allié… mais pas pour toute la nuit. Si vous êtes sensible à la caféine, il vous tiendra éveillé ; si vous ne l’êtes pas, vous finirez par enchaîner les verres sans effet, ce qui est un autre genre de problème.

La fatigue

Vous êtes persuadé de prouver à tout le monde que vous restez « fun » sans alcool… sauf qu’on vous voit bailler. Même bouche fermée. Vous devenez ce pote qui demande à commencer la soirée à 19h30 au lieu de 20h (19h, si c’était vous qui décidiez).

Bref, il vous faut un petit coup de pouce.

Les substituts

Parce qu’au fond, vous cherchez toujours à modifier un peu votre état de conscience. À retrouver ce goût, cette essence festive, ce petit décalage qui incarne la fête.

C’est comme ça que j’ai commencé à apprécier les cigarettes — et je serais sans doute fumeur social si mon médecin ne me l’avait pas interdit. C’est aussi comme ça que j’ai essayé le cannabis en soirée, pour découvrir que je préfère en profiter seul, loin des conversations où l’on attend une réponse rapide.

Résultat : je me retrouve entre deux options.
Si je choisis l’eau pétillante, je m’endors.
Si je choisis le Coca, je n’arrive pas à me détendre.

Le stress

Ce n’est qu’à moitié pénible quand on remarque les petites choses.
Comme ces grands qui n’ont aucune conscience spatiale dans les clubs.
Comme votre partenaire qui passe de charmant à embarrassant en soirée.
Comme votre patron qui raconte des blagues sexistes aux dîners d’équipe.

C’est supportable tant que vous êtes spectateur. Mais quand vous organisez une soirée chez vous, c’est autre chose. Vous serez rongé par le doute : est-ce que tout le monde s’amuse ? Ou bien vous perdrez totalement le fil avec vos invités ivres morts et vous n’aurez qu’une envie, les mettre dehors.

Le pire, ce sont les occasions familiales. Sobre, c’est doublement mauvais. Célibataire, c’est triple.

La thérapie

L’argent économisé grâce à l’alcool, vous le dépenserez en thérapie. Vous pensiez venir d’une famille équilibrée ? Essayez donc de passer Noël, un anniversaire, un mariage, un baptême ou un enterrement sans boire. Exactement comme quand vous étiez ado… une période où nous adorions tous passer du temps avec nos familles, n’est-ce pas ?

Sans alcool, vos émotions remontent, vos traumatismes se réveillent. Mais vous préférez ravaler vos rancunes plutôt que d’exploser à table. Résultat : il faudra en parler ailleurs.

Le courage en moins

À moins d’avoir naturellement le cran de danser sur les tables, voler des pichets et draguer des inconnus, vous aurez moins d’histoires « folles » à raconter.
Et si vous êtes célibataire, vous apprendrez vite à briser la glace sans cocktail.

La première fois que l’alcool m’a manqué, c’était lors de mon premier rendez-vous avec celui qui est aujourd’hui mon copain. Ce qu’il a pris pour un manque d’intérêt n’était que de l’intimidation de ma part. J’aurais aimé que mon thé vert se transforme en vin. Comme ce n’était pas le cas, il ne me restait plus qu’à dire : « On va quelque part de plus gesellig, chez toi peut-être ? »
Sans « courage hollandais », il faut construire le sien.

Les rendez-vous compliqués

« On prend un verre ? » : c’est l’approche la plus simple et naturelle pour un premier date. Arrivé là, vous n’avez pas envie de tout gâcher en expliquant que vous ne buvez pas. Un dîner fait trop sérieux, un café trop sage. Vous voulez paraître léger et fun, pas compliqué et ennuyeux.

Alors vous acceptez le bar, et vous essayez de minimiser l’attention portée à votre boisson. Vous direz peut-être que vous n’avez « pas envie de boire ce soir »… ce qui n’est pas complètement faux.

L’honnêteté en moins

Sans alcool, vous ne vous relâchez pas vraiment. Vous ne prenez pas ce petit raccourci vers les confidences, vers les conversations cœur à cœur.
Côté positif : vos secrets restent bien gardés. Côté négatif : vos rancunes aussi.

Et vous perdez le ticket gratuit qui permet d’être vulnérable entre amis. Surtout si vous êtes un homme, coincé dans cette culture de la masculinité toxique et du « pas d’émotion entre potes ».

Un exemple : j’ai eu un crush sur une amie, et je soupçonnais que c’était réciproque. « Il suffit de boire ensemble et d’en parler honnêtement », m’a conseillé mon copain. Sage conseil, sauf que ni elle ni moi ne buvons. Résultat : nous irons probablement dans la tombe sans savoir.

Le mensonge

Moins honnête, moins spontané, moins détendu… et surtout fatigué de vous justifier, vous finirez par mentir.

Aux serveurs qui insistent pour vous vendre du vin. Aux bars qui prétendent manquer de thé. Aux proches qui, encore et toujours, questionnent, insistent, doutent, forcent, voire manipulent.

Vous découvrirez un « privilège » inattendu de la condition féminine : un simple « je suis enceinte » suffit à clore la discussion. Après avoir remarqué que « je suis musulman » ne fonctionne pas.

L’horreur

Parce que les gens ne lâchent pas. Pour beaucoup, c’est un insigne d’honneur de vous faire boire. Et s’ils échouent, ils préfèrent parfois ne plus être vos amis.

Chaque fois que vous refusez un verre, vous prenez conscience que l’autre boit. Et à quelle fréquence. Vous ne jugez pas la personne, mais la réalité elle-même.

Nous vivons dans une société où la norme est de se rendre heureux en déformant la réalité.
Où nous avons collectivement accepté d’ingérer du poison.

Ne pas participer à ce rituel demande un effort conscient et une bonne dose de volonté.
Et c’est précisément cette prise de conscience qui fait peur.

La rechute

Un jour ou l’autre, vous céderez.

  • Vous verserez deux verres de vin pour montrer à votre compagnon que vous aimeriez qu’il s’installe avec vous sur le canapé.
  • Vous avalerez un shot de tequila pour que votre patron ait confiance en vous et vous parle de la politique des promotions.
  • Vous siroterez une bière pour que votre pote arrête de poser des pintes devant vous en râlant qu’elles tiédissent.

Et vous ressentirez exactement ce que mon ami a résumé :

« Je bois peut-être une bière par mois et ça ne me manque pas vraiment.
En fait, ça ne me manque pas du tout.
Et quand je bois, je me rappelle immédiatement pourquoi j’ai arrêté. »

Vous ne buvez pas parce que l’alcool ne vous apporte rien. Il ne cache pas les douleurs de la réalité. Pas vraiment.

Avertissement : la réalité peut apparaître sans filtre

Quand on demande aux gens pourquoi ils arrêtent de boire, la réponse la plus fréquente est : à cause de la gueule de bois.

En effet, pour beaucoup d’entre nous, la gueule de bois ne vaut pas le coup.

Mais ce n’est pas seulement une question de mal de tête. Il y a aussi la gueule de bois émotionnelle. Et celle-là est bien pire.

C’est la réalisation soudaine que la réalité est moins agréable sans alcool qu’avec.

Et ça, souvent nous ne le supportons pas.

Le réel brut

Alors, par défaut, nous plaçons nos attentes bien bas.

Nous faisons l’expérience de l’existence humaine dans sa forme la plus brute, sans filtre : stressés, fatigués, crispés, peureux, fermés, malhonnêtes ou condescendants.

Ça aussi, c’est pénible. Mais cette forme d’honnêteté est plus facile à gérer en petites doses quotidiennes que brutalement, au réveil après une soirée.

L’alcool existe pour une raison

Quand on arrête de boire, on se retrouve face à cette raison en permanence. Et il faut apprendre à vivre avec elle. Aussi peu réjouissant que ce soit, on finit par s’habituer à cette douleur — la douleur d’exister.

Quand on boit, on n’efface pas cette douleur. On parvient seulement à s’en distraire quelques instants, à gagner une parenthèse.

Choisir ses effets secondaires

Tant que vous gardez à l’esprit que boire comme ne pas boire est un choix — et non un réflexe automatique — alors bravo.

Profitez-en de manière responsable. Choisissez simplement vos effets secondaires.

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Publié par Carole Mazeau

À propos de l’auteure: J’ai commencé à écrire pour ESM en 2017. Étant une grande passionnée de développement spirituel, j’aime mettre à contribution mes connaissances et mon savoir pour en faire profiter les autres.J’espère ainsi encourager les gens à approfondir leurs connaissances sur la spiritualité et à devenir la meilleure version d’eux-mêmes.

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