
« Les gens font de leur mieux, à leur niveau de conscience. »
~Deepak Chopra
Ma meilleure amie, Karine, est décédée il y a quelques semaines. Sa mort a été à la fois choquante et inattendue. Elle souffrait depuis longtemps d’une maladie chronique, mais ce n’était pas la cause immédiate de son décès. Le choc fut donc intense. Les jours qui ont suivi ont été remplis de démarches : organiser ses affaires, prévenir ses proches, gérer l’administratif. La liste semblait interminable.
Aujourd’hui, alors que tout s’apaise, le silence s’installe. Ce silence laisse ses proches et moi-même seuls avec nos émotions.
La peur du silence
Je redoutais ce silence. J’avais peur que des souvenirs difficiles et des regrets surgissent, me laissant avec des sentiments négatifs envers elle ou moi-même.
Karine n’avait pas toujours été facile à vivre. Parfois distante, parfois critique, elle pouvait blesser sans s’en rendre compte. Pourtant, elle était généreuse et loyale, prête à aider ceux qu’elle aimait. Je me souvenais de moments où je me sentais invisible à ses yeux, où nos désaccords semblaient impossibles à surmonter. La liste de mes blessures émotionnelles était longue.
L’épreuve du deuil

Je craignais de ne pas pouvoir appréhender sa mort avec compassion. Le silence invite souvent l’ego, cette voix intérieure critique, à se manifester. Je craignais de me sentir ingrate ou insensible.
Mais, comme souvent dans les épreuves spirituelles, j’ai été surprise. Après le choc et le chagrin, j’ai découvert en moi une attitude bienveillante envers elle.
Je me suis rappelée qu’elle avait souffert de son passé, qu’elle avait ses limites et qu’elle avait fait de son mieux. Cette prise de conscience m’a permis de ressentir de la gratitude pour l’avoir connue et de comprendre que sa vie, malgré ses blessures et ses imperfections, avait été marquée par ses efforts et son amour à sa manière.
Comprendre les limites humaines
Accepter cela n’est pas simple. Presque tout le monde sait que mentir ou nuire est mal, et pourtant, ces comportements persistent. La violence et l’agression sont universellement considérées comme mauvaises, et pourtant elles sont partout autour de nous.
Prenons un exemple quotidien : cette personne qui crie dans un magasin ou ce conducteur qui vous coupe la route. Ils savent que leur comportement est inapproprié, peut-être même dangereux, et pourtant ils agissent ainsi. Pourquoi ? Parce que, dans ces moments, ils ne sont pas pleinement conscients. Ils ne sont pas connectés à leurs valeurs, ni aux personnes qu’ils blessent. Quelque chose les empêche d’exprimer leur potentiel de bonté.
Même face à la douleur, aux blessures et aux frustrations, il est possible de comprendre que chacun agit selon ses capacités et son niveau de conscience. Comprendre cela n’excuse pas les actes blessants, mais cela ouvre la voie au pardon, à la compassion et à la paix intérieure.
Et si l’on parvient à appliquer cette leçon dans notre quotidien, avec les proches, les collègues ou des inconnus, on découvre à quel point notre vie devient plus douce et notre regard sur le monde plus juste.
L’impossibilité de tout comprendre

Le constat le plus frappant pour ceux d’entre nous qui penchent vers l’hyper-logique est que, dans 99,9 % des cas, nous ne saurons jamais vraiment pourquoi les gens agissent comme ils le font. Même en connaissant quelqu’un depuis des années, le mieux que l’on puisse faire pour comprendre ses motivations, ses émotions et ses pensées inconscientes est de deviner.
Pourtant, j’ai connu Karine une amie très proche, depuis l’enfance. Je connaissais beaucoup de choses sur elle et sur son passé, ce qui m’a permis de comprendre certaines de ses réticences et ses blessures.
Une enfance marquée par l’absence
Karine a grandi dans une famille où l’expression des sentiments était rare. Ses parents étaient débordés par leurs propres difficultés et rarement présents. Elle a appris très jeune à se protéger, à masquer ses émotions et à se débrouiller seule. Les attentions et la chaleur affective n’étaient pas des évidences pour elle.
Il n’est donc pas surprenant qu’elle ait développé des comportements parfois distants ou froids, même envers ceux qu’elle aimait profondément. Son passé a façonné sa manière d’être et de réagir au monde.
Sans modèle positif et avec des blessures accumulées, il n’est pas étonnant que Karine ait eu du mal à exprimer ses sentiments. Elle a souvent privilégié la sécurité matérielle et la réussite professionnelle comme moyens de se sentir compétente et aimée. Ses comportements pouvaient sembler durs ou injustes, mais ils étaient le reflet de son passé et de ce qu’elle savait faire de mieux.
En tant qu’amie proche, j’ai parfois été blessée par sa froideur ou son indifférence. Mais je comprends maintenant que ces réactions ne reflétaient pas son manque d’affection ou d’attention, mais sa manière de gérer ses propres blessures.
La distance et la compréhension

Comprendre tout cela n’a pas été facile. Il m’a fallu prendre du recul, m’éloigner de la situation et observer nos interactions avec plus de lucidité. Avec le temps, j’ai pu voir combien Karine faisait de son mieux, malgré ses limites. Cette prise de conscience m’a apporté paix, empathie et liberté vis-à-vis de ma propre colère ou frustration.
Observer la situation de loin m’a permis de comprendre que ses comportements n’étaient pas dirigés contre moi, mais étaient le résultat de son histoire, de ses souffrances et de son niveau de conscience.
La vérité, c’est que nous ne connaîtrons jamais entièrement les autres. Même avec les meilleures intentions, nous ne pouvons pas comprendre toute l’ampleur de leurs blessures ou de leurs motivations. Certains paraissent heureux malgré leurs souffrances, d’autres, riches ou populaires, peuvent vivre des tourments invisibles.
L’esprit humain et l’ego construisent des récits complexes auxquels nous nous identifions souvent totalement. Même les personnes elles-mêmes ne comprennent pas toujours ce qui les pousse à agir ou à ressentir certaines émotions.
Le rôle du niveau de conscience
Le niveau de conscience — la capacité à percevoir nos propres émotions et celles des autres — détermine la manière dont nous pouvons agir avec grâce et compréhension.
Claire avait accumulé beaucoup de douleur inconsciente, mais elle a fait de son mieux pour s’en sortir et pour protéger les gens qu’elle aimait à sa manière. Reconnaître cela m’a aidée à développer compassion et compréhension envers elle et envers moi-même.
Lorsque je ressens de la frustration face aux comportements des autres, je me rappelle que nous agissons tous selon nos capacités et notre niveau de conscience. Comprendre cela ne justifie pas les actes blessants, mais ouvre une voie vers le pardon, la paix intérieure et des relations plus harmonieuses.
Accepter que chacun fait de son mieux permet d’agir avec empathie et d’alléger nos propres souffrances.
Étendre la leçon à soi-même et aux autres

Quand je me sens coupable de ne pas reconnaître les efforts et les réussites des autres, je me rappelle que c’est ainsi que j’ai été élevée. Après mon éveil spirituel, j’ai franchi l’étape suivante : j’ai pu appliquer la leçon « ils font de leur mieux » à moi-même et aux autres.
Aujourd’hui, l’étape la plus difficile est de s’en souvenir chaque jour.
Prenons le quotidien : cette personne qui s’énerve dans un magasin, ou ce conducteur qui vous coupe la route sur l’autoroute. Au milieu de votre frustration, pouvez-vous reprendre votre souffle et vous rappeler qu’ils font de leur mieux ?
Comment savoir si cette personne traverse des difficultés invisibles : un problème financier, un proche malade, ou une journée particulièrement éprouvante ? Peut-être que le conducteur se précipite pour s’occuper d’un enfant malade ou souffre d’un trouble anxieux. Les circonstances exactes nous échappent, et pourtant, c’est tout simplement le mieux qu’ils pouvaient faire à ce moment-là.
Accepter les comportements difficiles
Lorsque votre collègue s’attribue le mérite de votre travail ou agit de manière injuste, pouvez-vous accepter qu’il réagisse à partir de sa peur ou de sa douleur, et que vous ne comprendrez peut-être jamais pleinement ses motivations ?
Savoir que votre collègue fait de son mieux ne signifie pas rester passif. Vous pouvez agir pour protéger vos intérêts ou rectifier la situation, mais pouvez-vous le faire avec compassion plutôt qu’avec colère ? Vous constaterez que votre réponse devient alors plus efficace et apaisée.
Même si cela peut être frustrant ou énervant, nous ne connaîtrons jamais pleinement le passé des autres ni la manière dont il influence leur comportement. Face à une situation difficile, lorsque l’envie de réagir violemment surgit, essayez de vous rappeler cette leçon.
Et lorsque vous vous surprenez à le faire, félicitez-vous. Vous pourriez être étonné de la paix que cela apporte, comme je l’ai découvert dans mes propres expériences.
La compassion et la compréhension
Nous sommes tous confrontés à des souffrances, visibles ou invisibles, dans nos vies personnelles et professionnelles. Aucun de nous ne mérite nécessairement ce qui nous arrive. Nous naissons innocents, et pourtant nous subissons des épreuves, émotionnelles ou physiques. Il est important de se rappeler que nous partageons tous ce même chemin.
Comprendre que chacun fait de son mieux permet de vivre avec plus de compassion, de patience et de compréhension, envers les autres et envers soi-même. C’est une leçon qui transforme nos relations et notre quotidien.
Merci à tous ceux qui, sans le savoir, m’ont appris cette leçon de vie.