
Dessiner l’expérience de mort imminente
Lumières blanches, rencontres avec des entités puissantes et sensation de quitter son corps sont autant de clichés classiques associés aux expériences de mort imminente (EMI). Cependant, les limites du langage empêchent souvent de décrire pleinement ce que l’on ressent face au vide éternel. Pour tenter de dresser un tableau plus complet, des chercheurs ont demandé à des personnes de dessiner leurs EMI, offrant ainsi de nouvelles perspectives sur le déroulement de ces expériences difficiles à exprimer.
Au total, 50 participants ont pris part à l’étude – qui doit encore être évaluée par les pairs – en répondant d’abord à une série de questions sur leur EMI, puis en dessinant au stylo bleu les différentes scènes observées. Les chercheurs espéraient mieux comprendre la « géométrie » de l’espace traversé par les participants au cours de leur expérience et, par extension, l’architecture globale de l’EMI.
Quatre configurations spatiales identifiées

À partir des réponses et des dessins, les chercheurs ont identifié quatre configurations spatiales distinctes. La première, appelée « formes A », correspond à des scènes dont le champ visuel est conique. Les formes B et C représentent des espaces en forme d’arche elliptique, tandis que la dernière catégorie, « formes C5 », décrit une enceinte ellipsoïdale à 360 degrés.
Pour expliquer ces différentes géométries, les auteurs suggèrent que les formes A pourraient résulter d’une diminution du flux sanguin vers le cerveau, entraînant une perte de la vision périphérique et une sensation d’être dans un tunnel obscur. Cette hypothèse est renforcée par le fait que les scènes en A étaient souvent décrites en niveaux de gris, la perte des couleurs pouvant être liée au manque d’oxygène dans le cerveau.
Concernant les formes B et C, les chercheurs avancent que ces espaces en forme d’arche pourraient être analogues aux « défauts hémianopes » fréquemment observés chez des patients victimes d’un accident vasculaire cérébral ou d’un traumatisme crânien, où une moitié du champ visuel est temporairement perdue.
En général, les participants ont rapporté que leurs EMI évoluaient de visions coniques (formes A) vers des visions totalement immersives (formes C5), ou inversement, les formes B et C représentant des espaces intermédiaires entre ces deux extrêmes. Les auteurs de l’étude suggèrent que ce schéma pourrait refléter une séquence de déficits connus du champ visuel associés à une altération temporaire des fonctions cérébrales.
Localisation du soi pendant l’EMI

Outre la cartographie de l’architecture de l’espace lors des EMI, les chercheurs ont également demandé aux participants de préciser où ils percevaient leur « soi » dans chaque scène. Il est intéressant de noter que, lorsque des expériences extracorporelles étaient rapportées, le soi était perçu comme situé en dehors du corps tout en restant visuellement lié à ce dernier et à son environnement immédiat.
Cependant, lors d’autres phases de l’EMI, les participants ne représentaient ni le corps ni l’environnement physique autour d’eux. Cela suggère un découplage phénoménologique, où le corps et l’environnement cessent de servir de points de référence pour le soi.
La perception hors du corps, un phénomène fréquent

En d’autres termes, les participants ne pouvaient se situer physiquement dans l’espace que lorsqu’ils se voyaient entrer ou sortir de leur corps. Une fois séparés de leur corps physique, ils ne se percevaient plus comme occupant un point fixe dans leur champ visuel.
Ces expériences hors du corps se sont révélées courantes : seuls 18 participants sur 50 ont déclaré ne pas se voir quitter ou entrer dans leur corps. Cela montre que la dissociation entre le soi et le corps est un aspect central de nombreuses EMI, offrant un aperçu unique de la conscience humaine dans des états extrêmes.
Une prépublication de l’étude est disponible sur bioRxiv .

