Carole Mazeau
La spiritualité au-delà de la religion
Elle vit en dehors de la religion, offrant un sentiment de connexion aux autres, à la planète et à notre longue histoire commune. La spiritualité a également une dimension écologique : de nombreuses personnes décrivent leurs expériences les plus profondes d’émerveillement et de transcendance lorsqu’elles sont en contact avec la nature.
Les réticences face au terme « spirituel »
Certains se méfient du mot « spirituel », craignant une campagne d’adhésion évangélique ou un argument de vente fallacieux. Je comprends cette méfiance et je me suis moi-même retrouvé à la partager. L’expérience de l’émerveillement a été trop souvent marchandisée, et je n’ai rien à voir avec ceux qui prétendent vendre le salut sous la forme d’objets produits en série, comme les attrape-rêves adaptés à notre culture.
Mon parcours entre science et spiritualité
J’ai passé la majeure partie de ma vie à adhérer à la modernité, convaincu que la science était la seule source de connaissance valable. À 17 ans, j’ai renoncé à la foi catholique de mon enfance et me suis rebellé de la manière la plus radicale que je connaissais : j’ai rejoint l’équipe d’astrophysique d’un camp scientifique d’été. À cette époque, je voyais science et spiritualité comme incompatibles et pensais devoir choisir entre l’une et l’autre.
Le mot « spiritualité » vient du latin spirare, respirer. Il m’a fallu des années pour laisser cette part spirituelle s’exprimer pleinement. Ce fut difficile de m’affirmer comme « spirituel ». Certains tremblent lorsque je leur annonce que je suis pasteur interreligieux et s’éloignent lors des dîners, même après que je leur explique que je ne crois pas en Dieu. Ils ne restent pas assez longtemps pour comprendre que la science et la spiritualité ne s’opposent pas.
La spiritualité à l’épreuve de la science
Depuis quarante ans, les scientifiques s’intéressent également à la spiritualité, cherchant à la définir et à en mesurer l’utilité. L’Inventaire des Expressions de la Spiritualité – Révisé (ESI-R), questionnaire d’auto-évaluation de 32 questions, permet d’opérationnaliser la spiritualité selon cinq dimensions, incluant les aspects cognitifs, expérientiels et existentiels de ce domaine du fonctionnement humain.
Une quête spirituelle au-delà des dogmes
La spiritualité, vécue en dehors des cadres religieux traditionnels, touche de plus en plus de personnes. En France, une étude de 2012 révélait que 63 % des Français se déclaraient « sans religion », incluant 34 % de non-religieux et 29 % d’athées. Cette tendance s’est confirmée avec une étude de 2019-2020 de l’Insee, qui indiquait que 51 % des Français de 18 à 59 ans ne se reconnaissaient dans aucune appartenance religieuse.
Cette évolution est également observable chez les jeunes générations. Une enquête menée en 2024 par Statista a montré que 52 % des Français se considèrent comme religieux, un chiffre en baisse par rapport aux décennies précédentes. Statista Parallèlement, une étude de 2018 de la St Mary’s University et de l’Institut catholique de Paris a révélé que 64 % des 16-29 ans se disaient « sans religion ».
La spiritualité : une expérience personnelle et intime
Pour moi, la spiritualité ne réside pas dans la croyance en un ensemble de dogmes ni dans la prière à une divinité. Elle s’exprime à travers un profond sentiment de connexion aux autres, à la planète et à notre histoire commune. Cet émerveillement et cette transcendance se manifestent souvent lorsque je suis en contact avec la nature, renforçant ainsi ma perception d’appartenir à un tout plus vaste.
Cette approche spirituelle s’inscrit également dans une dimension écologique, où le respect de l’environnement devient une valeur fondamentale. De nombreuses personnes trouvent un sens profond en s’engageant dans des pratiques qui honorent la Terre, considérant le bien-être de la planète aussi important, voire supérieur, au progrès humain.
La spiritualité en dehors des institutions religieuses se caractérise souvent par sa discrétion. Le sociologue Gary Bouma a décrit la spiritualité australienne comme moins explicite publiquement que dans d’autres pays occidentaux, les Australiens ayant une spiritualité plus « décontractée ». Il a cité l’historien Manning Clark, qui a décrit l’approche australienne de la spiritualité comme « un espoir timide au fond du cœur ».
Cette discrétion se retrouve également en France, où la spiritualité est souvent vécue de manière personnelle et intime, loin des regards extérieurs. Les pratiques telles que le yoga, la méditation ou les retraites dans la nature, bien que souvent perçues comme laïques, s’inscrivent dans une forme de religiosité moderne. Elles reposent sur des expériences de transcendance, la sacralisation de la nature, et des valeurs issues du romantisme, du transcendantalisme ou de la « Nouvelle Pensée ».
Agir en cohérence avec ses convictions spirituelles
Être spirituel, pour moi, c’est se sentir connecté spirituellement aux autres, à la planète et à l’histoire, et agir en conséquence. Ce sentiment de connexion m’incite à servir les autres, à contribuer positivement à la société et à préserver l’environnement. Il ne s’agit pas simplement d’une émotion passagère, mais d’un engagement profond qui guide mes actions quotidiennes.
Cet engagement trouve son expression dans des actions concrètes : participer à des initiatives communautaires, soutenir des causes environnementales, promouvoir le respect et la bienveillance envers autrui. Ainsi, ma spiritualité devient un moteur d’action positive, visant à co-créer un monde meilleur, plus juste et plus respectueux de la planète.
