Carole Mazeau
Rien ne manque, tout est là Les livres sur l’étagère, les pneus de la voiture qui crissent sur la route pluvieuse, le solo de guitare de cette chanson rock classique, les étoiles dans le ciel, le pain dans le grille-pain, même le temps est beau, quel cadeau !
L’amour réside dans le cœur, un sourire sur les lèvres, même si ce n’est pas toujours le cas, seulement quand le désir se fait sentir. Le cœur continue de battre au rythme de certains jours, avec leurs contrastes de noir et de blanc, l’éclat incomparable d’autres, et les matins, quoi qu’il arrive, emplis d’une atmosphère inexplicable qui nous invite toujours à recommencer.
La rouille sur la vieille Coccinelle garée au coin de la rue, le blues du vendredi, les manches retroussées en préparant le repas, le vernis à ongles rouge à moitié appliqué, le chaos de la grande ville, la simplicité de la campagne adorée, le coucher de soleil de chaque jour, partout dans le monde — bref : chaque chose à sa place et en ordre, et en principe, rien ne manque.
Ce qui nous fait défaut, c’est cette habitude de toujours penser qu’il manque quelque chose, de soupçonner que quelque chose cloche quand tout va bien, de ne pas accepter la neutralité des jours, des sentiments, des gens, de la tristesse, de la joie.
Tout compte, tout est valable, tout est tel qu’il est selon sa loi naturelle, et chacune de ces choses arrive, que nous en soyons conscients ou non, et arrivera toujours. Il est donc indéniable qu’apprendre à vivre avec est la meilleure solution.
Quant à ce qui nous manque, je peux citer quelques points : l’humilité de comprendre et d’accepter que certaines situations, voire beaucoup, échappent à notre contrôle, ne dépendent pas exclusivement de nous, mais qu’il est inévitable de faire notre part et de garder notre sérénité face à cette réalité.
Nous n’avons pas conscience que la rivière coule, et nous aussi.
L’amour, le bonheur et la conscience de soi
Nous n’avons pas conscience d’appartenir à un tout, et que ce tout est un flux complexe et intense qui nous entoure tous, que nous y croyions ou non.
Par-dessus tout, de tout ce qui nous manque, mille autres choses présentes en nous compensent, car l’amour est toujours plus grand, et que seraient nos actions sinon l’amour ? Nous nous trompons en essayant de bien faire, nous nous pardonnons et pardonnons aux autres car, au fond, nous croyons aux bonnes intentions et au bon sens. Nous offrons de nouvelles chances à nos petits faux pas quotidiens, aux gênes des autres, car nous savons que, visiblement ou non, nous ne sommes qu’amour, et rien de plus.
Je conclus par un petit détail qui nous échappe souvent : comprendre que nous ne manquons de rien. Comprendre que le bonheur n’est pas quelque chose qui arrive, qui surgit, qui apparaît. Ce n’est pas une récompense, ce n’est pas un but dans la vie. Le bonheur est toujours là, il est né le même jour et à la même heure que vous, il habite votre corps depuis votre premier instant au monde, tout comme l’amour.
Mais ne vous attendez pas à ce qu’il crie, fasse un scandale et manifeste constamment son euphorie, car le bonheur, comme l’amour, est une étincelle, et les étincelles ne font pas de bruit. Il s’agit d’une présence subtile, discrète, qui accompagne chaque respiration, chaque geste, chaque pensée.
Il se manifeste dans l’attention portée aux petits détails, dans la capacité à apprécier l’instant, dans la patience envers soi-même et envers les autres.
Voir cette étincelle, la nourrir et l’accepter transforme notre perception de la vie : nous ne cherchons plus un bonheur absent, mais nous vivons pleinement celui qui a toujours été là. C’est dans cette conscience que réside la véritable sérénité.
