
Il y a de nombreuses années, à la rentrée universitaire, j’avais décidé de tourner une page et de commencer un nouveau chapitre de ma vie en quittant le domicile familial pour m’installer à Lyon. Mes grands-parents, qui m’avaient toujours accompagnée, sont restés dans notre petite ville de Bourg-en-Bresse. En théorie, je vivais maintenant proche de chez ma tante et mon oncle, mais en pratique, je me retrouvais souvent seule.
C’est drôle comme à dix-sept ans, on se croit tout savoir et on ignore tous les conseils, en les jugeant futiles. Dans le monde parfait qu’on s’est imaginé, il n’y a pas de place pour les imprévus, et encore moins pour cette envie terrible de rentrer, qui finit par s’effondrer au bout de quelques semaines.
Les réalités de la solitude
J’avais constaté un changement radical lorsque j’ai allumé la télévision et qu’il n’y avait personne avec qui me disputer la télécommande. J’ai découvert que les dimanches sont insupportables, surtout après 18 heures, et que tout ce que j’avais imaginé pouvoir faire – même quand j’en avais l’occasion – a peu à peu perdu de son attrait. L’idée de fêtes non-stop et de soirées arrosées n’est qu’une illusion : la réalité se résume à passer ses soirées devant l’ordinateur à travailler ou à discuter avec ses amis.
J’ai appris que faire le ménage en écoutant de la musique à fond peut être une excellente thérapie. Que les chaussettes sales, une fois retournées, deviennent propres. Que le garde-manger ne se remplit pas tout seul et qu’il existe d’autres rayons que celui des bonbons au supermarché. Que le gaz finira par s’épuiser. Et, à coup sûr, que la résistance de la douche choisira le jour le plus froid possible pour griller.
Liberté et responsabilités
Se balader en sous-vêtements dans la maison sans se soucier de rien, c’est génial, mais vous vous en voudrez terriblement d’avoir oublié votre serviette aux toilettes et de n’avoir personne à qui crier dessus (comprenez : maman). Il est aussi important d’être prêt à être en retard de temps en temps, car personne ne viendra vous réveiller si votre réveil ne sonne pas.
On ne te dira pas que toi qui as toujours détesté les haricots, tu regretteras un jour ceux que seule ta mère sait préparer. Même les disputes avec elle te manqueront. Les taquineries. Le simple fait d’être près d’elle, même sans parler, juste pour être là.
On vous dira peut-être que le silence est une bonne chose, mais on oubliera de vous rappeler qu’un silence trop long peut rendre fou. Qu’il peut être terriblement solitaire de n’avoir personne avec qui partager une pizza.
Ou encore que se retrouver seul au milieu d’une foule, par exemple sur les quais de la gare Lyon-Part-Dieu ou au marché de la Croix-Rousse, est une sensation des plus désagréables puisque personne ne vous reconnaît.
Grandir grâce à soi-même
En un peu plus d’un an, j’avais l’impression d’avoir mûri d’au moins cinq ans. J’ai changé. J’ai fait de nombreuses découvertes et, par la même occasion, j’ai trouvé le temps de me découvrir moi-même. Je suis rentrée chez moi plusieurs fois, j’ai beaucoup voyagé, mais je sais que le plus beau voyage que j’aie entrepris est celui que j’ai fait en moi-même.
De tout cela, il ne reste qu’une expérience formidable. La nostalgie fait mal, vraiment ! La nouveauté fait peur, mais c’est dans ces moments-là qu’on apprend le plus – même si c’est parfois difficile – et qu’on commence à apprécier sa propre compagnie. On évolue.

