
Leurs efforts n’ont pas été vains. Ils nous ont laissé un héritage, parfois visible, parfois discret, mais toujours présent. Un héritage qui ne se résume pas à des objets ou à des traces matérielles, mais à des fragments d’eux-mêmes qui continuent de vivre à travers ce que nous sommes devenus. Ils ont semé quelque chose en nous, quelque chose qui grandit encore aujourd’hui, même si nous ne nous en rendons pas toujours compte.
Que ce soit bon ou mauvais, quelque chose de celui ou de celle qui est resté(e) demeure ici, rangé dans cette boîte, dans le coin gauche, tout au fond, là où moi seul sais où le trouver. C’est un lieu que personne ne peut deviner, un espace intime que je protège, comme si en l’abritant, je pouvais conserver un lien secret, une dernière porte ouverte vers eux. Cette boîte n’est pas seulement un contenant : c’est une mémoire, un refuge, une chambre d’échos où leurs voix continuent de résonner, même faiblement.
Je préfère penser que celui ou celle qui est parti(e) m’a transmis quelque chose qui m’a permis d’avancer en paix.
Une force invisible, une façon nouvelle de regarder la vie, un souffle de confiance que je ne possédais pas avant. Ce n’est qu’après un certain temps que j’ai pu m’en rendre compte. Souvent, ce que l’on reçoit des autres ne se révèle que lorsque l’absence s’installe et que le silence commence à parler. Là, dans ce vide, j’ai compris que leur passage avait laissé une marque profonde, une marque qui ne demandait qu’à être reconnue.
Dès leur départ, j’ai eu l’impression qu’ils avaient laissé derrière eux quelque chose d’insupportable, un mélange de douleur, de confusion et d’incompréhension. Ce fardeau, je l’ai porté longtemps, persuadé que je ne serais jamais capable de les laisser partir tout à fait. Leur absence pesait comme une ombre sur mes jours, et je croyais que si je lâchais cette douleur, je trahirais leur souvenir. J’avais peur que les laisser partir signifie les oublier, et cela m’était impensable.
Pourtant, avec le temps — ce temps qui ne guérit pas tout mais qui adoucit — j’ai compris qu’on finit par lâcher prise. Non pas en renonçant à eux, mais en acceptant que leur présence ne puisse plus être la même. On apprend à vivre avec ce manque, à accepter l’idée que le monde continue, même si une partie de nous reste figée dans un moment passé. On apprend que lâcher prise, ce n’est pas abandonner : c’est laisser la douleur se dissoudre pour que le souvenir, lui, puisse demeurer.
Voici donc ma gratitude pour tout ce que tu as gardé de moi, et pour tout ce que tu as emporté avec toi.
Pour les souvenirs, la musique, les rires, ce regard, cette odeur, cette manière unique de donner une couleur particulière aux instants les plus simples. Pour cette aura qui existait avant mon départ et qui, d’une certaine manière, continue de briller dans les recoins silencieux de ma mémoire. Rien de tout cela n’a disparu. Cela s’est seulement transformé.
Aujourd’hui, je sais que toutes les raisons qui l’ont poussé à partir avaient un sens, même si ce sens n’était pas encore clair à l’époque. Elles lui ont permis d’avancer, de mûrir, de se libérer, d’ouvrir des portes qu’il ne voyait peut-être pas encore. Son départ, aussi brutal ou déroutant soit-il, était un mouvement nécessaire de sa propre histoire. Il lui a permis de s’envoler plus loin, et peut-être plus haut, grâce aux expériences qui l’attendaient ailleurs. Parfois, partir est la seule façon de respirer de nouveau.
Je n’ai aucune idée de ce qu’ils sont devenus, ni de ce qu’ils vivent désormais, ni des chemins qu’ils ont empruntés. Mais j’espère que, où qu’ils soient, ils vont bien. J’espère que la vie leur a offert la possibilité de célébrer d’autres moments, de créer d’autres souvenirs, de partager d’autres rires. J’aime imaginer qu’ils ont trouvé leur place quelque part, dans une existence qui leur ressemble davantage.
Ils ont laissé une grande partie d’eux-mêmes derrière eux, emportant une grande partie de nous avec eux. C’est ainsi que les êtres s’entrelacent : nos histoires se nouent, se séparent, s’éloignent, mais jamais totalement.
Une part d’eux continue de vivre en nous, et une part de nous continue de voyager avec eux. Peut-être est-ce là la plus belle forme de continuité : celle qui ne dépend ni de la présence ni de la distance, mais simplement du lien qui persiste.

