Jean-Charles Réno
Ce serait formidable si l’on pouvait effacer le passé des personnes avec lesquelles nous avons partagé une relation. Ce serait formidable si, au moment où la fin serait annoncée, la terre s’ouvrait et engloutissait, sans espoir de retour, l’ex-conjoint de l’autre.
Ce serait formidable s’il existait un appareil pour effacer la mémoire, comme celui utilisé par Will Smith dans Men in Black, et que l’autre personne ne se souvienne jamais de personne avant nous, n’est-ce pas ? Imaginez un peu si, d’un coup de baguette magique, nous pouvions toujours être les premiers à entrer dans cette vie, à faire vibrer ce cœur, à faire tourner cette tête.
Ce serait formidable ! N’est-ce pas ?
Notre jalousie maladroite et injustifiée envers le passé est-elle si incontrôlable que nous préférons effacer un passé qui, comme son nom l’indique, est déjà révolu, plutôt que d’apprendre à vivre avec ? Pourquoi nous préoccuper autant du fardeau des autres, si nous portons aussi le nôtre ?
Malheureusement, ou heureusement, le passé ne s’efface pas.
Cela arrive à tout le monde, et personne ne peut rien y changer. Le passé a peut-être été beau, peut-être terrible, peut-être intense, peut-être glacial – peu importe, le passé est une page tournée, un chapitre laissé derrière soi, un sujet clos. C’est fini. C’est terminé. Et cela ne présente aucun danger.
Il est difficile d’imaginer le cœur qui vous aime aujourd’hui aimer d’autres personnes. La bouche qui vous embrasse aujourd’hui errer sur d’autres corps. Les vœux qui vous ont été faits destinés à d’autres. C’est difficile, je le sais, mais la bonne nouvelle, c’est que vous n’avez pas besoin d’imaginer tout cela.
Vous n’avez pas besoin d’occuper votre esprit avec ce qui reste dans la vie de l’autre. Pourquoi tant de masochisme inutile ? Le temps que vous perdez à haïr ce qui est resté pourrait être consacré à aimer ce qui est juste devant vous.
Nous sommes ce que nous sommes aujourd’hui, le fruit de notre passé.
Il n’y a pas de meilleur professeur que les leçons tirées de nos erreurs et de nos réussites passées. Soyez reconnaissant de votre passé. Soyez reconnaissant du passé de ceux que vous aimez. Sans lui, ils ne seraient pas ce qu’ils sont.
Tout arrive en son temps. Parfois, nous ne faisons que traverser la vie des autres. Parfois, nous sommes les leçons de leur existence. Et quand c’est le cas, ils finissent par partir. Ils suivent leur propre chemin, et nous le nôtre. Mais parfois, nous sommes la destination finale.
Nous sommes l’ultime escale de leur vie, et pour eux, la nôtre. Et c’est une telle injustice de maudire les épreuves qu’ils ont dû traverser pour nous rejoindre. Ils avaient besoin de ce chemin. Et sans lui, ils ne seraient pas là où ils sont aujourd’hui.
Soyez donc reconnaissant du passé de l’autre. Il a servi de pont entre vous. Et quand le cadeau est beau – quand on souhaite vraiment le rendre beau – c’est tout ce qui compte.
